Une introduction
à la cognition en acte

(Comment sont les choses)

Principes de base d'une science cognitive en acte décrits par Francisco Varela dans L'esprit incarné:

Une part importante de ce qui apparaît dans ces réponses avait été jusqu'ici absent des sciences cognitives -- non seulement du cognitivisme mais de l'état de l'art présent du connexionnisme.
L'innovation la plus décisive est que la représentation ne joue plus un rôle central, le rôle de l'environnement comme source d'input est renvoyé à l'arrière-plan. Il n'intervient désormais dans les explications que dans le cas où les systèmes subissent des effondrements ou des événements qui ne peuvent plus être qui ne peuvent plus être pris en compte par leurs propres structures.
Il en résulte que l'intelligence cesse d'être la capacité de résoudre un problème et devient celle de pénétrer dans un monde partagé de significations.


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Le couplage structurel est activité sensorimotrice, d'où résultent des échanges physiques de part et d'autre de l'interaction. Dans le cerveau, par exemple, notre activité sensorielle produit réellement des échanges physiques par lesquels nos perceptions sont construites. En même temps, nous avons agi (senti) dans notre domaine environnemental et l'avons changé.

C'est ce qui guide l'évolution (autopoiésis -- systèmes s' auto-organisant)

Pour faire un pas de plus. Notre concept de "réalité" est construit à partir de nos "perceptions" (elles-mêmes construites à partir de changements physiques dans notre cerveau).
Notre activité sensorimotrice s'apparente ensuite à la mesure d'un quantum en ce que nous avons fait évoluer nos moyens de percevoir certains aspects de c ette réalité latente, mais pas d'autres. En fait, l'acte même de percevoir un aspect peut empêcher d'en percevoir un autre (de manière analogue au principe d'incertitude d'Heisenberg, ce qui est facilement démontrable dans la façon dont la vision a évolué dans des voies si différentes selon les espèces).

La première réaction que l'on rencontre lorsqu'on commence à parler de la réalité telle qu'elle est en actée de cette façon, est une accusation d'idéalisme Kantien. Mais la cognition en acte peut être énoncée comme dans une orientation très matérialiste (comme le montre, je l'espère, ce qui précède) si nous utilisons une compréhension scientifique plus moderne de ce que signifie être "matériel".

Le principal obstacle conceptuel place ce qu'on appelle couramment "la réalité" à l'autre bout du processus sensoriel et reconnaît alors qu'une même "réalité-comme-expérience" est partagée -- au sein d'une même espèce -- parce qu'en tant qu'individus nous nous couplons d'une façon essentiellement identique avec la même réalité latente.

Cette réalité latente peut-être considérée comme ce qui est conceptuellement de l'autre côté de la barrière quantique -- c'est à dire, les quanta pré-mesurés -- où toutes choses (dont nous mêmes) ont une existence indéfinissable, mais commune en temps qu'un processus unique.

La réalité latente est par nature ineffable pour la raison évidente qu'elle est une pré-expérience (un pré-étalonnage).

Nous en actons une réalité partagée -- la créons par l'action (sensorimotrice).


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Le "constructeur" de ce processus est ce que nous avons appelé la conscience réflexive. Il n'est pas nécessaire, en fait il semble même contre intuitif, d'établir des distinctions entre une conscience et une inconscience. Je pencherais plutôt une variation sans rupture dans la complexité de l'activité cognitive, une "épaisseur" de conscience si l'on veut, qui émerge des changements physiques que ce "couplage structurel" produit.

De mon point de vue, l'imagination est la plus complexe des activités cognitives, notre sens le plus évolué, identifiable mais pas distinct d'autres fonctions. Si nous pensons les sens comme couplés avec la réalité physique latente pour produire une expérience de la réalité en actée, nous pouvons alors penser l'imagination comme couplée avec l'activité latente du cerveau pour produire une réalité poétique accrue.

Ainsi, l'appel à la "libération de l'imagination" est-il en réalité un appel à reconnaître et à soutenir son rôle critique à la pointe de notre développement évolutif.


(Traduction J-P. Depetris)
1998
B.J. Erickson
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